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Nouvel Obs - 23/04/2009

"Les gens sont excédés, l'Etat cherche juste à éteindre le feu" 


Début mars, vous disiez ne rien attendre de ta table ronde sur la téléphonie mobile organisée ce jeudi et parliez de "mystification" de l'Etat, qui se préoccuperait avant tout des intérêts des opérateurs. Votre position a-t-elle évoluée ?

- Non, ma position n'a pas tellement changé. D'une part, parce que les scientifiques, pas plus que les médecins qui ont été confrontés à des personnes victimes des antennes-relais, n'ont été invités à participer à ce "Grenelle de la téléphonie mobile". Ce qui, pour parler des dangers sanitaires de la téléphonie mobile est quand même un comble!
De leur côté, les associations de défense des riverains ont dû faire des pieds et des mains pour être invitées. De la même manière, il y aura un juriste côté Etat, mais aucun avocat de riverains ne sera présent.
Enfin, le préalable à cette réunion posé dès le début par le gouvernement, à savoir que les antennes-relais ne sont pas dangereuses, n'a pas été modifié.

En attendez-vous tout de même quelque chose ?

- Je n'en attends rien. Cependant, vu le retentissement médiatique qui a été fait de ce Grenelle et l'attente des gens, l'Etat va difficilement pouvoir nous vendre une énième étude scientifique.
Il va forcément falloir qu'il sorte quelque chose de cette réunion.
Pour nous, la seule issue acceptable est que le gouvernement abaisse les seuils maximum d'exposition aux ondes électromagnétiques de téléphonie mobile, à 0,6V/m. Mais l'idée de l'Etat est plutôt d'éteindre le feu, car il y a une forte mobilisation sur le sujet. Les gens sont excédés.
L'effet d'annonce sur ce Grenelle est tel, que s'il n'en sort rien, les mouvements risquent de se radicaliser et les actions en justice vont se multiplier.

Pour Roselyne Bachelot, "le portable est une question plus préoccupante que les antennes relais", qui "ne conduisent pas à s'inquiéter". Est-ce une manière d'abandonner le sujet des antennes-relais ? Ou cela marque-t-il une prise de conscience bénéfique du gouvernent sur les dangers de la téléphonie ?

- C'est un peu des deux. Cela me fait sourire, parce qu'en 2003, quand j'ai commencé à m'occuper de ces dossiers, tout le monde disait que le téléphone portable n'était absolument pas dangereux. Enfants, adolescents, adultes… tout le monde avait un potable.
A l'heure actuelle, il est prouvé que les ondes de ces téléphones sont nuisibles. Alors aujourd'hui, écarter le sujet des antennes-relais comme Roselyne Bachelot le fait, est au mieux une forme d'incompétence, au pire un mensonge.
Car il y a une controverse scientifique sur les antennes-relais, qui doit précisément justifier la prudence. C'est ce même flou scientifique qu'il y avait il y a quelques années sur les téléphones portables.

Il n'y a "aucune donnée scientifique solide" concernant les dangers des antennes-relais, se justifie la ministre de la Santé...

- La ministre de la Santé est à côté du sujet. Les magistrats ont davantage une culture de la preuve que les politiques. Ils ont étudié nos dossiers, nous ont donné raison, et ont, en conséquence, demandé le démontage des antennes-relais incriminées.

Récemment, une plainte collective a été déposée contre une antenne-relais d'Orange à Saint-Cloud, les habitants se plaignant de maux de tête. Orange a rétorqué que cette antenne n'était pas encore en activité. Cela ne décrédibilise-t-il pas votre argumentaire ?

- Absolument pas. Dans cette affaire, Orange allègue que son antenne-relais n'était pas en activité. Je n'ai pas de preuve. Je n'ai encore jamais vu le dossier qui justifierait les dires d'Orange, ni dans la presse, ni ailleurs. Je ne sais pas ce qu'Orange a fait sur son antenne ou pas depuis le dépôt de cette plainte. Je ne sais pas ce qui s'est passé, si des opérateurs sont montés sur le toit ou pas. On ne peut donc tirer aucune conclusion pour le moment sur ce cas.
Quoi qu'il en soit, dans mon argumentaire, ce ne sont pas les troubles immédiats qu'on peut ressentir à proximité des antennes-relais que je mets en avant.
Dans le dossier de Tassin, dans le Rhône, que nous avons gagné, ce point n'avait même pas été allégué. Je suis dans une démarche préventive qui sert à éviter les troubles de la santé. Ces troubles ne sont pas que des maux de tête, mais des problèmes bien plus graves, qui courent sur le très long terme. C'est le principe de précaution.
Je dis simplement qu'il y a une controverse scientifique sur le sujet et que tant qu'il n'est pas prouvé que les antennes-relais sont dangereuses, ou ne le sont pas, nous devons être prudents.

Interview de Richard Forget par Sibylle Laurent

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